GONDRAN Fanny Flux

En Poémie Amie | Fanny GONDRAN, Depuis ces lieux épars | Les mots infraternels

 

DANS CES LIEUX EPARS  Fanny GONDRAN

 

 

 

Ils s'échappent s'évaporent

ne laissent ni ombre ni empreinte

plus jamais

ne s'alignent

ne s'apparentent

ne s'enfantent

pour construire le poème.

 

Ils sont devenus des graines infertiles

plantées dans le grand drap blanc givré

où les jours et les nuits se déroulent

sans un frisson du coeur

le corps a froid

quand s'inocule le mutisme

jusqu'à l'os.

 

Ils ne cessent d'être écharpés

désaccordés

égorgés

par le faucon au coeur sauvage

qui mène son combat l'écume rouge

au bec

trouant le ciel dévastant la forât

ravinant le champ

défigurant le jardin

là où partout autrefois

Les mots ont eu écho et trace.

 

 

Une ligne parfois s'esquisse

improbable trait au fusain

sur les pentes emmêlées du désastre

c'est

un coup de rasoir

aux poignets rouges de l'aurore

un texte blême

sans lendemain.

 

 

Par pure habitude

on sait encore poser les mains à plat

sur la table de travail

y lire dans les veines

le voyage de l'encre

implorer les syllabes

tourmentées et ferventes

pour qu'elles s'ajointent

au bout des doigts

 

Un jour on rôde à nouveau

autour d'une histoire entre vie et verbe

on en retient le fil

on agite des paroles

à l'embrasure de la page

comme des amulettes de jade

inoubliables mémorisées

transies transparentes

inouïes aiguisées

leur lame claire

ouvre un chemin à rebours de celui

des mots infraternels.

 

 

 

Fanny GONDRAN, Depuis ces lieux épars,

La Passe du Vent, 2006, p.17-19